Le contexte
Localisés dans le golfe de Gabès, à une vingtaine de kilomètres de Sfax, Kerkennah est un archipel, composé de plusieurs îles qui vivent au rythme de la pêche, dans une zone d’importantes marées en méditerranée et constitue un repère de biodiversité remarquable par ses plantes aquatiques de posidonie qui abritent des nombreux vertébrés et mollusques marins. Les pêcheries traditionnelles locales raisonnées et respectueuses de cet environnement participent grandement au développement économique et social du territoire dans un équilibre qui permet de soutenir le système alimentaire des Kerkenniens. Elles sont cependant confrontées à l’augmentation de la demande des usines agroalimentaires qui incite à la modernisation des équipements et la surpêche non réglementée voire la pêche illicite qui voient apparaître des filets, plastiques et mini chaluts qui vont laisser des déchets marins, emprisonner des tortues ou autres espèces marines ou encore racler les fonds détruisant les végétaux et ramassant les petits gabarits de poisson censés assurer la pérennité des espèces sur les années suivantes.
« In fine, l'environnement et la mer ne nous appartiennent pas, ce sont des ressources sur lesquelles pourront compter nos enfants et les générations à venir »
Sami Karaa - Secrétaire Général de l’association.
Le projet
À travers ses activités, l’association Jeunes Science Kerkennah (membre du réseau de recherches Jeunes Science Tunisie) vise ainsi à défendre ce milieu et les pratiques de pêche respectueuses, en particulier par des missions d’éducation à l’environnement et au développement durable. Poursuivant des objectifs de sensibilisation et d’amélioration de la conscience de la population locale face aux problèmes environnementaux de l’archipel, l’association cherche ainsi à en valoriser le potentiel et préserver le patrimoine naturel et culturel des îles.
Les pêcheries traditionnelles sont principalement de 2 types :
- les pêcheries de poulpe à base de gargoulette (récipient en terre cuite d’eau ou de vin) qui servent de pièges positionnées en mer et ramassés à la main par les pêcheurs puis cuisinés par leurs familles
- les pêcheries dénommés « charfyia », qui utilise les palmes, issues des palmiers des îles de l’archipel ; coupées et plantées dans les fonds de vase, elles abritent les poissons du soleil et les guident vers un enclos de nasses où ils sont attrapés vivants, préservant la qualité de sa chair.
L’initiative de valorisation des techniques de pêches traditionnelles «Charfia» (via la Banque mondiale) :
L’association a ainsi œuvré pour la reconnaissance d’un label pour les poissons de la charfyia, afin de mettre en valeur le produit et inciter les pêcheurs à conserver ces pêcheries traditionnelles, évitant de se tourner vers d'autres modes de pêches, plus équipés ou plus industriels qui peuvent nuire à l'environnement.
Les pêcheurs locaux aux moyens modestes vont être tentés de chercher à améliorer la rentabilité de leur activité en utilisant par exemple des nasses en plastique non altérables et non biodégradables accessibles à faibles coût, voire des filets pour répondre aux industries de transformation des produits de la mer et augmenter leurs revenus immédiats. Sur une temporalité plus longue, l’archipel observe déjà un appauvrissement de la biodiversité marine et les déchets bien visibles des résidus de matériels de pêche mettent notamment en danger les tortues, pour lesquelles l’association travaille au répertoire des espèces et à sa protection via le réseau d’échouage des tortues marines et des cétacés - ACOBAMS.
L’initiative d’écotourisme TNAGEM : un outil de gestion des ressources naturelles et du développement communautaire aux îles Kerkennah
Toujours dans l’intention de revaloriser ces techniques de pêches traditionnelles dans la cadre de la préservation de l’environnement et conscient des difficultés économiques des insulaires, l’association a eu l’idée d’impliquer les pêcheurs dans des actions d’écotourisme, génératrices de revenus complémentaires.
Jeunes Science Kerkennah travaille avec des groupements de développement agricole (constitués d'agriculteurs et de pêcheurs), en particulier celui d’Ouled Azdin, avec qui elle a développé la démarche Negem (“Vous pouvez” en arabe). Des formations sont données aux pêcheurs pour qu'ils valorisent la région par un récit culturel et jouent le rôle de guide auprès des touristes. En les amenant à bord de leurs embarcations, les locaux détaillent ainsi les particularités terrestres et marines du lieu, les font participer aux pratiques de pêche et à la consommation du poisson, allant parfois même jusqu’à l’hébergement des touristes et la démonstration des techniques de conservation ou de cuisine par les membres de la famille.
L’association poursuit cette démarche d’écotourisme par des collaborations avec les universités et l’ensemble des usagers de la mer, pour réhabiliter des charfyia 100% traditionnelles, établir des répertoires et publier des livres pour sensibiliser à l'importance de la mer et de la biodiversité dans la région. Un festival de la charfyia a même vu le jour et permet de mettre en avant la fabrication des outils, goûter aux produits du terroir et réhabiliter ce patrimoine. Reconnu par la collectivité locale, il est désormais reconduit tous les ans.
Résultat et reconnaissance :
Par ce type de démarche l’association contribue donc au développement durable du territoire : un pêcheur qui va faire de l’écotourisme et rester sur une pêcherie 100% traditionnelle, se garantit un niveau de revenu suffisant, participe au système alimentaire de l’archipel, contribue à la préservation de l’environnement dans lequel il évolue, et soutient le maintien de pratiques sociales et culturelles locales, et au final à la reconnaissance de son territoire.
Depuis le mois de décembre 2020, la pêche à la Charfiya aux îles de Kerkennah a été inscrite sur la liste représentative du patrimoine culturel de l’humanité au cours de la 15ème session du comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine immatériel de l’UNESCO.
Le petit plus
Quelques chiffres : le bureau exécutif de notre association est composé de 9 membres, 2 salariés, des membres actifs et des adhérents.
Cette fiche initiative a été rédigée par Edouard Bouillaud, volontaire LFC - Janvier 2021.
Dernière modification : 15 Jan 2021.
Jeunes Science Kerkennah
À travers ses activités, l’association Jeunes Science Kerkennah (membre du réseau de recherches Jeunes Science Tunisie) vise ainsi à défendre ce milieu et les pratiques de pêche respectueuses, en particulier par des missions d’éducation à l’environnement et au développement durable. Poursuivant des objectifs de sensibilisation et d’amélioration de la conscience de la population locale face aux problèmes environnementaux de l’archipel, l’association cherche ainsi à en valoriser le potentiel et préserver le patrimoine naturel et culturel des îles.