Opticourses : soutenir les ménages défavorisés dans le choix d’une alimentation durable à Marseille

Le contexte

Manger sainement sous contrainte budgétaire est aujourd’hui un enjeu pour de nombreux foyers : aujourd’hui en France, 14% de la population vivent sous le seuil de pauvreté, soit 8,8 millions. Parmi eux, seuls 5 millions sont récipiendaires de l’aide alimentaire (IGAS, 2019).  Le coût de l’alimentation joue ainsi un rôle important dans les inégalités en matière de nutrition et de santé. Il existe une relation linéaire entre le revenu et la prévalence de l’obésité, suggérant une relation causale.

Aujourd’hui, la structure des prix alimentaires ne favorise pas une alimentation saine : alors que le prix des calories est en moyenne égal à 0,70€ pour 100 kcal fournies par les fruits et légumes et de 0,60€ pour 100kcal fournies par la viande ou le poisson, il est généralement inférieur à 0,20€ pour 100 kcal venant de matières grasses ou de produits gras, salés, sucrés. Ainsi, les contraintes budgétaires, quand elles sont fortes, tendent à orienter vers des choix moins favorables à la santé.

Par ailleurs, le coût minimum d’une alimentation permettant le respect de toutes les recommandations nutritionnelles françaises est de 3,5€/jour/personne, cela étant supérieur au budget moyen des récipiendaires de l’aide alimentaire, se situant aux alentours de 2,5€/personne/jour. Cela démontre qu’en deçà d’un certain seul de revenus, la pédagogie ne suffit plus pour permettre aux foyers de s’alimenter sainement : une aide est requise. Au-delà de 3,5€/jour/personne en revanche, il est possible de bien se nourrir en disposant de consignes d’achats optimales.

Le projet 

Opticourses est un programme de promotion de la santé sur l’alimentation et le budget. Ce programme a été développé et validé dans le cadre d’un projet de recherche-action mené par Nicole Darmon (directrice de recherche à l’INRAE), Hind Gaigi et Christophe Dubois, lancé en 2010 à Marseille grâce au financement de l’Agence Régionale de Santé PACA, puis de l’Institut National du Cancer. 

Son objectif est de venir en aide aux foyers en difficultés financières, afin de faciliter leur accès à une alimentation saine.

Le programme se décline en deux volets :

• Offre : pendant 6 mois, les aliments de bon rapport Qualité Nutritionnelle / Prix (QNP) (légumineuses, féculents etc.) ont été rendus disponibles, visibles et attractifs dans les rayons de deux supermarchés de quartiers défavorisés du nord de Marseille, avec le logo « Manger Top ».
• Demande : des ateliers thématiques animés par des professionnels formés à la démarche Opticourses sont proposés autour d’activités ludiques sur les pratiques d’achat, la qualité nutritionnelle des aliments, leur prix et leur goût, afin d’échanger autour de la notion d’aliments de bon rapport QNP. Notamment, un livret « Prix seuils » est distribué aux participants afin de les aider à identifier les aliments de bon rapport QNP lorsqu’ils font leurs courses. Des tickets de caisse apportés par les participants permettent de rendre les discussions concrètes, et de valoriser les retours d’expériences entre participants. De plus, chaque participant est invité à garder les tickets de caisse de son foyer pendant 1 mois, et reçoit à la dernière séance un bilan personnalisé avec des conseils et l’identification partagée d’un changement acceptable (seule activité qui ne soit pas collective).

Résultats

Volet offre : Dès trois mois, un accroissement des ventes des produits ciblés a été observé dans les magasins où avait eu lieu l’opération « Manger Top ».

Volet demande : l’évaluation de l’impact des ateliers a mis en évidence une évolution des pratiques de consommation vers davantage de produits sains, à coût constant. Les effets du projet ne sont pas seulement mesurés sur base déclarative : une méthode originale destinée à limiter les biais de déclaration tout en préservant l’estime de soi des participants a été adaptée pour observer les évolutions de façon rigoureuse.

Les logos santé, informations nutritionnelles et même les subventions sont susceptibles d’accroître les inégalités en matière de nutrition et de santé. 

Face à l’inefficacité des injonctions sanitaires, le projet Opticourses permet donc de démontrer que les démarches participatives de long-terme, réalisées au contact direct des publics bénéficiaires et de manière ludique et adaptée, permettent d’obtenir des résultats encourageants. Se nourrir de manière saine est donc possible au-delà de 3,5€/jour/personne.

Le Petit Plus

Le projet est aujourd’hui en phase de transférabilité dans la région Sud, mais également dans le reste du territoire français. Cela permettra de tester la réplicabilité des protocoles et outils Opticourses dans d’autres contextes, pour envisager sa diffusion à large échelle le cas échéant. Des séances de formation sont proposées afin de former les nouveaux intervenants.

En savoir plus sur la méthodologie utilisée.

Rédigée par Eva Morel, volontaire LFC - Mars 2020. 

Dernière modification : 30 Mar 2020.