Contexte
Le collectif Buzuruna Juzuruna (en français “nos graines sont nos racines”) est à l’origine de la création d’une ferme-école dans un village de la vallée de la Bekaa au Liban afin de promouvoir l’agro-écologie localement. Cette initiative vise à la transmission des connaissances sur les cultures et les semences ainsi que la maîtrise des moyens de production. Sa visée pédagogique s’accompagne d’une logique de culture de conservation, possédant une riche bibliothèque de semences qui permet de préserver, multiplier et distribuer plus de 80 variétés d’anciennes céréales et légumineuses issues de l’agriculture méditerranéenne traditionnelle.
Ce projet est né dans un contexte de crise économique, sociale et alimentaire qui affecte le pays depuis plusieurs années. Le Liban se trouve dans une région du monde où le multiconfessionnalisme politique fait régulièrement plonger les pays voisins dans des conflits géopolitiques régionaux qui affectent les populations. Plus de 80% des Libanais vivent ainsi sous le seuil de pauvreté (UNICEF, 2023), dont notamment les populations vivant dans des espaces ruraux comme la vallée de la Bekaa, une plaine traditionnellement agricole aujourd’hui menacée de désertification. 460 000 personnes sont touchées par l’insécurité alimentaire dans le pays, ce qui mène 70% des ménages à emprunter de l’argent pour acheter de la nourriture (UNICEF, 2023). Ce contexte de crise est amplifié par l'instabilité du gouvernement libanais, ce qui implique une forte tendance à la corruption et une absence de politique publique vis-à-vis des enjeux alimentaires Si de nombreuses actions humanitaires sont actuellement déployées pour faciliter l’accès à une alimentation vitale, notamment dans un contexte de gestion de plusieurs camps de réfugiés politiques, cette action ne suffit pas à sortir de ce contexte de crise.
Projet
Fondée en 2016 par un collectif d’agronomes et d’agriculteurs syriens, libanais et français, cette ferme-école est le résultat d’une volonté de faire connaître l’agro-écologie au plus grand nombre, en plus de pouvoir répondre à des enjeux d’insécurité alimentaire.
Fondée en 2016 par un collectif d’agronomes et d’agriculteurs syriens, libanais et français, cette ferme-école est le résultat d’une volonté de faire connaître l’agro-écologie au plus grand nombre, en plus de pouvoir répondre à des enjeux d’insécurité alimentaire.
- Elle est installée sur un terrain de deux hectares au sein de la plaine de la Bekaa où ses fondateurs ont su s’intégrer au tissu associatif local. Elle est ainsi fréquentée aussi bien par les habitants locaux que par les réfugiés syriens qui se trouvent dans les camps à proximité. Chacun peut s’investir sur des terres qui font office de véritable terrain d’expérimentation agricole.
- Ce projet vise à la fois les agriculteurs professionnels et un public plus large, dont surtout les enfants, qu'il est important de sensibiliser à ces pratiques plus durables. La ferme organise des sessions hebdomadaires pour une trentaine d’enfants entre 6 et 14 ans, leur proposant des ateliers pratiques et théoriques sur un petit jardin pédagogique au milieu de son terrain.
- Les porteurs du projet, dont Walid el Youssef, un agriculteur syrien réfugié au Liban depuis 2011, se sont faits aider par une petite équipe de bénévoles pour organiser le terrain et construire la maison en terre qui abrite la bibliothèque des semences. Pour véhiculer ce modèle de l’autosuffisance alimentaire, l’association a également mis en place sur son terrain des panneaux solaires qui font fonctionner une partie de ses équipements électriques.
La ferme-école est reliée à un large réseau de partenaires qui ont permis son développement, tels que la coopérative agricole française Longo Maï, le réseau 15th Garden qui œuvre pour la souveraineté alimentaire en Syrie, l’ONG libanaise Amel Association International ou encore le CCFD-Terre Solidaire. Cette synergie internationale a permis d’apporter les fonds nécessaires à la création et au bon fonctionnement de la structure, en plus d’une expertise en matière de production agro-écologique.
Partant de rien, Buzuruna Juzuruna se compose désormais de plusieurs centaines d’arbres fruitiers, de plantes aromatiques, de fleurs, mais aussi d’une partie dédiée à un élevage de volailles, chèvres et brebis, en plus de la présence de ruches sur le site, assurant le renouvellement des cultures. C’est également un lieu de formation reconnu dans la région, accueillant des agriculteurs, des étudiants en agronomie comme des familles vulnérables vivant à proximité qui apprennent ensemble les rouages d’une production agricole durable. Ces compétences dans la formation en agro-écologie ont été recensées dans un curriculum créé en 2018 par le collectif, intitulé “Vers l’autonomie paysanne”, permettant à des centaines d’agriculteurs de s’y référer.
Le projet va enfin au-delà des limites de la ferme, participant à des actions solidaires auprès de foyers en difficulté et des camps de réfugiés. Ces derniers se voient proposer une aide pour faire sortir de terre leurs propres jardins potagers en suivant une formation gratuite et en bénéficiant d’un suivi des formateurs pendant plusieurs mois. La continuité de cette transmission du savoir agricole est aussi assurée par le don de semences traditionnelles, notamment des variétés indigènes du bassin méditerranéen, qui sont cultivées puis distribuées par la ferme-école. Grâce à ces interventions, 475 jardins collectifs ou individuels ont vu le jour dans la région. Ainsi, cette ferme-école permet de donner les clés aux habitants de la région pour mettre en place une autonomie alimentaire, palliant les problèmes d'approvisionnement générés par la crise et garantissant des apports nutritifs de qualité.

Le petit plus
Dans une logique de redécouverte des semences paysannes, Buzuruna Juzuruna a multiplié les variétés cultivées, jusqu’à 150 sur 2 hectares, alors qu’elles ne sont généralement qu’une ou deux sur les surfaces en agriculture conventionnelle. Ce projet s’impose ainsi comme un retour aux sources, mettant en valeur des semences paysannes qui ont été délaissées ces dernières décennies. En effet, la diffusion à travers le monde d’un mode de production uniformisé a mené à l’appauvrissement de la variété de semences utilisées, ne favorisant que des semences qui permettent de produire plus, plus rapidement et qui nécessitent une utilisation massive d’intrants. Les semences paysannes sont ainsi un bon moyen de se défaire de la dépendance aux producteurs industriels de semences, notamment dans l’Union Européenne où une réglementation adoptée en janvier 2022 autorise les agriculteurs biologiques à cultiver et commercialiser leurs propres graines.
Cette fiche initiative a été rédigée par Noémie Petrelle, stagiaire Let’s Food - avril 2024
Sources :
- Site web de Buzuruna Juzuruna.
- CCFD-Terre Solidaire. (2022, 11 janvier). Buzuruna Juzuruna
- Hajj, P. (2023, août 11). Au Liban, l’avenir des enfants en suspens. UNICEF.
- CCFD Terre Solidaire. (2022, 12 avril). Au Liban, soutenir la production locale face à la crise alimentaire. CCFD-Terre Solidaire.
- Amalvy, R. (2022, 4 juillet). Buzuruna Juzuruna ou la revanche de l’agriculture libanaise traditionnelle. Ici Beyrouth.
- Fondation Danielle Mitterrand. (2020). Dossier de presse sur Buzuruna Juzuruna, Ferme-Ecole de la vallée de la Bekaa au Liban.
Dernière modification : 03 Juil 2024.
Buzuruna Juzuruna
Le collectif Buzuruna Juzuruna (en français “nos graines sont nos racines”) est à l’origine de la création d’une ferme-école dans un village de la vallée de la Bekaa au Liban afin de promouvoir l’agro-écologie localement. Cette initiative vise à la transmission des connaissances sur les cultures et les semences ainsi que la maîtrise des moyens de production.